L'éssentiel du droit social

SELECTION DES PRINCIPAUX ARRÊTS EN DROIT SOCIAL DE 2023

SELECTION DES PRINCIPAUX ARRÊTS EN DROIT SOCIAL DE 2023

La Cour de cassation a rendu 5742 arrêts en 2023, dont 1182 par la chambre sociale.
Parmi ces derniers, 182 ont été publiés au bulletin. Ci-joint une sélection de 77 arrêts de la Cour de cassation à retenir (ainsi que 3 arrêts du Conseil d’Etat, une décision de la CJUE et une recommandation du Comité des Ministres de l’UE) (cliquez sur les références des arrêts pour les avoir en intégralité)

DROIT INDIVIDUEL

INEGALITE DE TRAITEMENT - Discrimination - Production d’éléments non anonymes

En cas de revendication d’inégalité de traitement et de discrimination, le juge peut ordonner la communication d’éléments d’autres salariés comportant leurs noms et prénoms s’il estime que cela est indispensable et proportionnée au but poursuivi qui est la protection du droit à la preuve de salariés éventuellement victimes de discrimination et que la communication des bulletins de salaire avec les indications y figurant étaient indispensables et les atteintes à la vie personnelle proportionnées au but poursuivi. INEGALITE DE TRAITEMENT – Discrimination – Production d’éléments non anonymes Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, 22-13.238 et suivants

LICENCIEMENT NUL - Liberté d’expression

Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié ces faits de « harcèlement moral » lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce. Le licenciement est de ce fait nul pour violation de la liberté d’expression.

Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, 21-21.053

ALERTE – Charge de la preuve entre alerte et licenciement

Lorsqu’un salarié présente des éléments permettant de présumer qu’il a signalé une alerte du non-respect de dispositions légales, il appartient au juge de rechercher si l’employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié.

SANCTION DISCIPLINAIRE – Licenciement puis rupture conventionnelle

Lorsque le contrat de travail a été rompu unilatéralement par l’une ou l’autre des parties, le fait de signer une rupture conventionnelle postérieurement à la rupture unilatérale vaut renonciation commune à la rupture unilatérale précédemment intervenue.

Cour de Cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, 21-18.117.

HARCÈLEMENT MORAL - Charge de la preuve

Le fait que le salarié n’apporte pas d’élément de préjudice concernant le harcèlement moral n’est pas un motif permettant de débouter de ce seul fait le salarié concernant sa demande de reconnaissance de harcèlement moral. HARCÈLEMENT MORAL –

RÉINTÉGRATION APRÈS NULLITÉ – indemnités d’éviction

En cas de nullité de licenciement et de réintégration, l’indemnité d’éviction n’a pas à inclure les
sommes au titre de l’intéressement et de la participation, mais le salarié peut prétendre à ses
droits à congés payés au titre de la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul
et celle de la réintégration dans son emploi, sauf autre emploi occupé durant cette période.
RÉINTÉGRATION APRÈS NULLITÉ – indemnités d’éviction Cour de cassation, chambre sociale, 1er mars 2023, 21-16.008

SANCTION - Infraction avec véhicule de fonction hors temps de travail

Ne peuvent constituer un motif de sanction les infractions au code de la route avec une voiture de fonction commises durant les temps de trajet durant lesquels le salarié n’était pas à la disposition de l’employeur, sans dommage sur le véhicule, et sans incidence du comportement du salarié sur les obligations découlant de son contrat de travail.

DROIT AUX CONGES PAYES

Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés au cours de l’année de référence en raison de son congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail.
Cour de cassation, Chambre sociale, 13 septembre 2023, n°22-14043

Le salarié doit acquérir des congés payés pendant ses arrêts pour maladie non
professionnelle. 

Cour de cassation, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 22-17.340 et suiv.

Le salarié doit acquérir des congés payés en cas d’arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle y compris au-delà de la période d’une année d’arrêt. 

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 22-17.638,

Lorsque l’employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2023,

La Cour de justice de l’Union Européenne a jugé que la directive 2003/88 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou à une pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des
demandes de congé annuel payé :
– introduites par un travailleur moins de quinze mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé
– limitées à deux périodes de référence consécutives.
   CJUE, 9 novembre 2023, Aff. C-271/22 à C-275/22

Quelques jours après cette décision de la CJUE, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel les QPC de savoir si les dispositions du code du travail :
– Portent atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le 11e alinéa du préambule de la Constitution en ce qu’elles ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an
– Portent atteinte au principe d’égalité garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution de 1958 en ce qu’elles introduisent, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.806

TRAVAILLEUR DE NUIT

La Cour de cassation a renvoyé à la CJUE la question préjudicielle de savoir si les directives européennes sur les travailleurs de nuit concernant la durée du travail et la surveillance médicale renforcée pouvaient être invoquées directement en France et si des législations pouvaient imposer la preuve de préjudices en cas de manquement de l’employeur.

CONTREPARTIE OBLIGATOIRE EN REPOS

La contrepartie obligatoire en repos est assimilée à du temps de travail effectif et ouvre droit à congés payés. CONTREPARTIE OBLIGATOIRE EN REPOS 

DUREES DU TRAVAIL – CADRE DIRIGEANT - FORFAIT HEURES

La conclusion d’une convention de forfait annuelle en heures ne permet pas à l’employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants, et ce même lorsque cette convention a été ultérieurement déclarée illicite ou privée d’effet.

DUREES DU TRAVAIL - OBLIGATION DE SÉCURITÉ

Le fait que le logiciel ne permette pas de déclarer les heures constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, quand bien même les salariés pouvaient procéder par eux-mêmes aux déclarations d’heures supplémentaires et que des négociations collectives sur le suivi du temps de travail étaient en cours.

 

DROIT COLLECTIF

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PSE

– Dans le cas d’une restructuration au niveau d’une UES, le PSE peut élaborer séparément son propre PSE.

– L’administration doit vérifier si l’employeur l’employeur a adressé au CSE des éléments relatifs à l’identification et à l’évaluation des conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions
projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale.
Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 29 décembre 2023, 463794

– L’employeur peut contester la décision de l’administration relative au montant des honoraires prévisionnels de l’expert mandaté sur le PSE, y compris en l’absence de litige relatif à l’accord collectif portant PSE. 

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 31 octobre 2023, 467870

– En cas de demande d’homologation de PSE l’administration doit s’assurer que le document unilatéral de l’employeur recourt bien aux 4 critères (charges de famille, ancienneté, caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle particulièrement difficile – notamment handicap et salariés âgés – et qualités professionnelles). Tel n’est pas le cas s’il prévoit, pour un ou plusieurs des critères, d’affecter la même valeur pour tous les salariés, ce qui a pour effet d’empêcher l’effectivité de ce ou ces critères.

– L’administration doit contrôler que les éléments déterminés par l’employeur ne sont ni discriminatoires, ni dépourvus de rapport avec l’objet de ces critères. Concernant le critère de qualités professionnelle, les résultats de l’évaluation professionnelle des salariés, lorsqu’ils existent, peuvent être utilement retenus par l’employeur. Ce qui n’est pas le cas d’un « permis CACES », si ce critère est sans rapport avec les fonctions afférentes aux catégories professionnelles concernées.

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 31 octobre 2023, 456091

CSE - Mise en œuvre accord GPEC

Le CSE n’a pas à être consulté sur l’accord GPEC dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques, mais doit cependant l’être sur les mesures ponctuelles intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elles résulteraient de la mise en œuvre de l’accord GPEC. CSE – 

Mise en œuvre accord GPEC Cour de cassation, chambre sociale, 29 mars 2023, 21-17.729

Expert-comptable du CSE - Mission groupe

Dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, l’expert-comptable peut accéder aux comptes de l’ensemble des entités comprises dans la consolidation.
La mission d’expertise pour l’examen de la situation économique et financière de l’entreprise peut ainsi porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein d’un groupe et de la situation du groupe.
Expert-comptable du CSE – Mission groupe
Cour de cassation, chambre sociale, 1er juin 2023, 21-23.393

DS-CSE > 50 salariés

Les partenaires sociaux sont en droit de conclure un avenant de révision d’un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, à la condition que cette extinction prenne effet à compter de l’entrée en vigueur d’un autre accord collectif dont le champ d’application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l’accord abrogé par l’avenant de révision.

 Accord de branche – Extinction par avenant de révision Cour de cassation, chambre sociale, 4 octobre 2023, 22-23.551

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PERIMETRE DES CSE - Liberté des partenaires sociaux

Les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux. Un accord collectif détermine ainsi librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise, à la condition qu’ils soient de nature à permettre la représentation de l’ensemble des salariés.

PERIMETRE DES CSE – Liberté des partenaires sociaux Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2023, 21-15.371